Le mouvement des taux depuis mi-2022, à la fois très attendu et pourtant surprenant par son ampleur, a bouleversé certains paradigmes de gestion ancrés depuis plusieurs décennies. Les nouvelles règles comptables internationales IFRS viennent également modifier le classement des actifs pour un grand nombre d’assureurs. L’année 2023 offre donc l’opportunité d’une revue de la structure des portefeuilles et de la mise en place d’une gestion plus active , afin de tirer pleinement profit des nouvelles conditions de marché, tout en intégrant les préoccupations comptables, explique Rémi Lamaud, Expert Solutions, direction Gestion assurantielle et solutions ALM chez Ostrum AM.

Quels sont les principaux effets de la remontée des taux sur les assureurs ?

Le premier  impact  est en général  la matérialisation de moins-values latentes sur le portefeuille d’obligations, venant diminuer les fonds propres réglementaires. Cependant, suivant l’écart de sensibilité actifs/passifs  aux mouvements de taux, la solvabilité peut tout de même s’améliorer. Pour l’assurance-vie, cela a conduit aussi certains porteurs à questionner le niveau de taux servi sur le contrat en euros face à d’autres produits, comme le livret A. Son taux augmente régulièrement et peut dépasser celui du contrat d’assurance. Pour éviter des rachats, des stratégies d’arbitrage ont vu le jour, pour dynamiser la gestion et le taux du portefeuille. Cette dynamique dans la rotation des portefeuilles constitue aussi une bonne occasion pour accélérer l’intégration des démarches ESG ou des trajectoires de température.

Quelles conséquences pour la gestion d’actifs et l’allocation d’actifs?

Des taux plus élevés poussent à augmenter la part des portefeuilles obligataires liquides, notamment en intégrant des obligations durables. Pour les actions, les niveaux historiquement plus élevés des taux de dividendes par rapport aux niveaux des taux obligataires paraissent aujourd’hui moins attrayants comparés aux emprunts d’État ou aux titres crédits. De plus, leur volatilité conduit un certain nombre d’acteurs à réduire la part des actions ou à privilégier des supports performants, mais moins volatils. Le monétaire fait également son retour dans les allocations : son taux compétitif permet plus de souplesse dans l’attente d’opportunités.

Et qu’en est-il du portefeuille obligataire ?

Un marché avec des taux plus élevés conduit à une gestion plus active pour augmenter le taux servi par le portefeuille. En plus des tombées à échéance, une rotation est possible  en effectuant des arbitrages compatibles avec les contraintes comptables.

En termes d’allocation, après plusieurs années à rechercher des rendements grâce au crédit ou à l’augmentation de la duration, il est temps de rééquilibrer  les portefeuilles vers les titres d’États, assurant la qualité et la liquidité du portefeuille  ou des titres plus courts. Une gestion obligataire dynamique est maintenant nécessaire pour repositionner le portefeuille. Elle vise à limiter l’impact des moins-values et à tirer profit activement de la réserve de capitalisation (pour les assurances-vie).

Quelles solutions spécifiques dans ce contexte ?

Pour accélérer les mouvements de portefeuille obligataires, certaines techniques financières sont possibles, comme les achats à terme d’obligations. Elles permettent de bloquer les niveaux actuels des taux en décalant dans le temps le besoin de trésorerie.

Pour se couvrir contre la remontée future des taux dans une optique actifs/passifs, les swaps permettent de réduire la duration du portefeuille, mais privent l’investisseur du bénéfice d’une baisse des taux. Les swaptions ont l’intérêt de ne couvrir que la hausse des taux, mais au prix du versement d’une prime.

Les produits structurés bénéficient également de ce contexte : le prix du titre zéro coupon, fournissant la garantie du capital à terme, baisse mécaniquement et laisse ainsi plus de place à des indexations actions, par exemple.

Le nouveau cadre comptable est-il favorable à ce contexte ?

De « nouvelles » normes comptables sont également entrées en vigueur cette année pour les assureurs, les conduisant à revoir la nature des titres obligataires du portefeuille principal et les véhicules d’investissement.

Seuls les titres obligataires classiques dérogent à la valeur de marché, s’ils vérifient le test dit « SPPI »1, issu de la norme IFRS 9. Cette capacité permet un enregistrement comptable en cohérence avec les passifs, eux-mêmes soumis à une nouvelle norme (IFRS 17). Du côté des actions, les investissements à travers des fonds pèsent sur la volatilité du compte de résultat et certains fonds ont été transformés en gestion en titres vifs directement, en transférant ainsi les variations seulement au passif.

1. SPPI : Solely Payment of Principal and Interests.
Les flux de trésorerie de l’actif correspondent uniquement au remboursement du principal et des intérêts sur le principal restant dû (exemples : créances client, prêts…).

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Achevé de rédiger le 24/05/2023

Parole d’expert : 2023, une année de tous les changements pour les assureurs

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  • Rémi Lamaud

    Rémi Lamaud

    Expert Solutions, direction Gestion assurantielle et solutions ALM

Temps de lecture : 15 min.
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INSIGHTS EXPERTISES
Comme beaucoup d’institutionnels, les assureurs supportent plusieurs composantes de risque, mais la principale reste la composante de taux. Le risque de taux provient du passif et il est nécessaire de s’y exposer pour couvrir ce même risque porté au passif. La part des instruments de taux est donc importante au bilan et ils fournissent la contribution principale permettant de rémunérer le passif. C’est un élément majeur de la production financière pour le fonds en euros.
29/11/2023
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