Les défis de la Chine Post-Genève
La trêve de 90 jours avec les Etats-Unis permet de réduire le risque à court terme sur la croissance chinoise. Cela s’est traduit par un rebond des indices actions chinois et une appréciation du yuan contre dollar US atteignant une parité de 7,20, un plus haut depuis novembre 2024.
Avant l’escalade tarifaire entre les deux pays, les craintes des investisseurs portaient principalement sur les facteurs domestiques comme la crise immobilière, la faiblesse de la consommation privée et le marché de l’emploi. Ce sentiment négatif envers les perspectives de croissance de l’économie chinoise avait pénalisé les marchés des actions, mis sous pression la devise chinoise et s’était traduit par une faiblesse des taux d’intérêt de long terme atteignant des niveaux historiquement bas. Nous pensons que les fondamentaux continueront d’être le principal catalyseur pour les marchés financiers chinois.
Les indicateurs conjoncturels publiés pour le mois d’avril montrent que l’impact des tarifs a été limité. Le momentum économique reste intact, suggérant un rebond de l’activité au mois de mai. La Chine doit néanmoins renforcer sa consommation privée pour le rééquilibrage de son modèle économique. Celle-ci reste faible malgré les efforts des autorités pour la stimuler.
L’inflation négative à -0.1% pour les mois de mars et d’avril en est également le reflet. L’immobilier reste le principal frein à l’activité, mais l’escalade tarifaire n’a pas enrayé les progrès de stabilisation du secteur. Nous pensons que les autorités vont renforcer leurs efforts envers les secteurs technologiques et de l’innovation afin de raviver le marché de l’emploi, primordial pour redonner confiance au consommateur. La PBOC (Banque Populaire de Chine) a baissé son taux d’intérêt de référence et son taux de réserves obligatoires pour les grandes banques afin de soutenir l’activité. L’inflation négative augmente les taux d’intérêt réels. Les banques chinoises ont baissé leurs taux de prêt à 5 ans, taux servant de référence pour les prêts hypothécaires, de 10 pdb à 3,50% afin de redynamiser les ventes immobilières.
Au-delà des considérations économiques et financières, l’accord de Genève a affirmé la place de la Chine comme puissance égale aux Etats-Unis.
Le dollar US ne profite pas du "Risk-On" général
À la suite de l’accord commercial entre la Chine et les US , qui a réduit à 10% les droits de douane réciproques pendant 90 jours, la plupart des actifs risqués (crédit, dette EM, actions…) ont rebondi fortement, retrouvant leurs niveaux d’avant « Liberation Day ». Parallèlement, la volatilité a diminué et les anticipations de baisse des taux de la Fed ont été révisées, se limitant à -50bp d’ici fin décembre 2025, ce qui suggère un risque moindre de récession aux US.
Le dollar US n’a cependant pas bénéficié de cet élan « risk-on » et n’a pas retrouvé le niveau élevé qu’il avait avant le 2 avril. Si son statut de première monnaie de réserve mondiale reste intact, sa position en tant que « valeur refuge » commence à être remise en cause. L’incertitude sur les tarifs douaniers demeure et fait peser un risque sur la croissance américaine. Le taux effectif moyen des droits de douane US pourrait s’établir au-dessus de 10%, soit 4 fois le niveau qui prévalait en début d’année.
Les données d’activité au US restent solides mais l’essentiel de l’impact des nouvelles mesures tarifaires est encore à venir, tant sur l’inflation que sur la croissance. De plus, la politique budgétaire américaine suscite de nouvelles inquiétudes avec un déficit de près de 7% du PIB qui pourrait se détériorer davantage si les nouvelles baisses d’impôts demandées par l’administration Donald Trump sont votées.
La hausse des taux d’intérêt à long terme (le 30 ans US au-dessus de 5%) et la faiblesse concomitante du dollar US illustrent cette défiance vis-à-vis de la dette américaine, accentuée par la baisse de la note souveraine à Aa1 par Moody’s.
Les flux de hedging des actifs US et des recettes d’exportations, très faibles ces dernières années en raison du portage positif et de l’appréciation continue du dollar US, pourraient augmenter sensiblement.
Un regain de confiance dans l’économie US semble nécessaire pour inverser la tendance et redonner de l’attrait au carry trade en USD vis-à-vis du yen, du yuan et de l'euro notamment.
De l'excès sur les actions mais les flux restent porteurs
Deux catalyseurs expliquent le récent rallye :
1- grâce à la pause commerciale de 90 jours, le scénario du pire induisant une paralysie des échanges mondiaux, un ralentissement conjoncturel majeur, une correction sur les bénéfices et une remontée durable de la volatilité a été évité, provoquant un rebond de l’appétit pour le risque ;
2- un effet multiplicateur positif favorisé par un positionnement et un sentiment très prudent a provoqué un mouvement massif de levée de couvertures.
A très court-terme, ce rallye pourrait se prolonger quelque peu pour des raisons de flux, de positionnement et d’analyse chartiste. Face à des marchés qui montent et une volatilité qui se modère, certains acteurs tels que les gestions systématiques sont contraints d’effectuer des achats forcés, alimentant la hausse de façon auto entretenue. Par ailleurs, si les analystes ont été nombreux à réviser à la baisse les perspectives de résultats, ils l’ont fait de façon modérée par manque de visibilité, notamment aux Etats-Unis et au Japon. Cela conduit à des valorisations de court-terme encore attractives sur certains marchés, ou en tout cas pas encore rédhibitoires.
A moyen-terme, il paraît peu probable que les actions dépassent durablement les points hauts de l’année. Les conditions commerciales et financières se sont détériorées depuis l’élection de Donald Trump, et cela devrait logiquement se retrouver dans des primes de risques plus hautes et des attentes de bénéfices plus basses. Les taux de financement ne se sont pas détendus et pourraient au contraire passer par une phase de tension pour des raisons fiscales. Les 15% de tarifs douaniers moyens tels qu’ils le sont aujourd’hui sont loin d’être négligeables, les Américains restant les premiers partenaires commerciaux des grandes économies. De plus, négocier rapidement des accords de libre-échange alternatifs en dehors des Etats-Unis comme l’ont fait le Royaume-Uni et l’Inde devrait rester l’exception. Dans ce contexte, nous préférons ne pas remettre du risque actions dans les portefeuilles Multi Asset sur les niveaux actuels en raison d’un risk/reward jugé trop faible.