Interview croisée de Gaëlle Malléjac, Directrice des gestions assurances et solutions ALM et Joséphine Chevallier, Responsable de l’intégration, Stratégie ESG.

  • Gaëlle Malléjac

    Gaëlle Malléjac

    Directrice des gestions assurances et solutions ALM

  • Joséphine Chevallier

    Joséphine Chevallier

    Responsable de l’intégration, Stratégie ESG

L’investissement ESG est le principal levier identifié par les investisseurs pour contribuer concrètement à la bascule vers un monde plus durable et une transition juste. Toutefois, l’avalanche réglementaires, le manque de ressources internes parfois et le prix de la donnée sont trois contraintes qui les empêchent d’atteindre seuls leurs objectifs et d’agir efficacement pour la transition énergétique.
Quels moyens les gestionnaires d’actifs peuvent-ils mettre en face des attentes de leurs clients institutionnels, notamment assureurs, mutuelles ou organisme de prévoyance ?
Comment les aider à réaliser leurs propres engagements en matière de climat ou de biodiversité ?

On parle d’ESG partout. De quoi s’agit-il
exactement ?

Joséphine Chevallier (Responsable de l’intégration, Stratégie ESG) :
On retrouve trois dimensions fondamentales dans l’ESG :

  • Ce que l’on exclut volontairement de son univers d’investissement. Y figurent naturellement les actifs les plus risqués d’un point de vue matériel ou réputationnel – les entreprises sujettes aux « controverses » – et celles qui contreviennent aux principes des Nations Unies en matière de droits humains par exemple. Mais cette démarche peut être plus globalement élargie à des entreprises dont l’activité s’inscrit en contradiction avec notre politique RSE et celle de nos clients investisseurs, par exemple en matière de transition énergétique (limitations d’investissements voire sortie des entreprises impliquées dans le charbon, le pétrole et le gaz), ou en matière de santé (exclusion du financement du tabac).
  • L’évaluation de la qualité de l’approche ESG des entreprises. C’est assez logique : quand on a déterminé les entreprises dans lesquelles on ne veut pas investir, on se pose la question de savoir quelles sont celles a contrario que nous voulons financer, ce qui revient à les évaluer avec une approche risques mais également opportunité.
  • L’engagement, qui traduit la manière dont nous – investisseurs – souhaitons challenger l’existant, c’est-à-dire mener un dialogue avec les émetteurs – d’actions ou d’obligations – pour faire évoluer leurs pratiques. Cet aspect est devenu fondamental dans le monde obligataire, après avoir été longtemps négligé, car les opérateurs ont enfin compris que, dans un monde où la dette des entreprises va croissante, le financement est un levier d’action extraordinaire.

Dans un monde où la dette des entreprises va croissant, le financement est un levier extraordinaire pour faire évoluer les pratiques des émetteurs.

Joséphine Chevallier

Comment évalue-t-on la qualité de l’approche ESG des émetteurs ?

Joséphine Chevallier
Il n’y a pas qu’une manière d’évaluer la qualité ESG des émetteurs, et notre approche est globale pour être la plus complète.
Tout d’abord nous faisons un travail fin d’analyse des enjeux matériels. Lorsque nous évaluons un émetteur, nous apprécions les risques et opportunités ESG spécifiques à son entreprise et à son secteur d’activité.
Prenons l’exemple du secteur automobile, qui est connu. Nous veillons à anticiper les risques de « transition » liés à l’évolution de la règlementation qui viendra durcir les normes en matière d’émissions car celles-ci ont un impact à plusieurs niveaux sur l’entreprise : ses revenus, ses coûts opérationnels, ses investissements... Nous analysons ainsi la capacité de chaque secteur, et des émetteurs qui le composent, à anticiper et à s’adapter au contexte de marché qui sera le sien demain.
Nous savons que aussi certains secteurs sont voués à une transformation profonde, voire à une décroissance. Nous devons donc anticiper le risque de dépréciation de ces actifs pour nos clients investisseurs.

Outre l’intégration de ces éléments dits « matériels » dont l’impact pourra se traduire sur le bilan financier prévisionnel des entreprises, nous intégrons aussi à nos analyses des critères d’évaluation extra-financiers qui vont bien au-delà de la matérialité propre à l’entreprise pour englober l’impact sociétal, liés à la gouvernance, à la gestion durable des ressources, à la transition énergétique et au développement des territoires. Cette démarche se décline en une notation spécifique de chaque émetteur qui permet de l’évaluer par à rapport à ses pairs pour renforcer notre présence dans les entreprises les mieux-disantes, et piloter la qualité extra-financière de nos investissements.

L’évaluation de la qualité de l’approche ESG des émetteurs est essentielle, car l’appréciation de la performance des investissements ne se fera plus demain au seul prisme de la performance financière. Elle intègrera de plus en plus des critères de durabilité qui valideront la manière dont les émetteurs auront réussi à intégrer les transitions, notamment climatiques (et biodiversité), dans leur modèle de développement.

Joséphine Chevallier

Et si l’on se place du côté des investisseurs : comment se décline la politique RSE de nos clients dans leurs portefeuilles de gestion ?

Gaëlle Malléjac (Directrice des gestions assurances et solutions ALM)
Nos clients sont essentiellement des assureurs, fonds de pension, organismes de prévoyance, caisses de retraite. Ils ont une politique RSE établie ou des convictions spécifiques dans ce domaine.
Notre réponse en termes de gestion est le reflet de leurs propres engagements. Lorsque nos clients ont fait de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique un axe prioritaire, nous déterminons avec eux les indicateurs de gestion les plus représentatifs pour retranscrire leurs ambitions. Pour ceux dont les politiques RSE répondent à la fois à des préoccupations environnementales mais aussi sociales ou sociétales, nous veillons à intégrer ces éléments de manière spécifique dans leur gestion.
C’est ainsi que se conçoit notre raison d’être chez OSTRUM AM :

Prolonger les engagements de nos clients par l’investissement.

Gaëlle Malléjac

Concrètement, notre approche commence toujours par une phase de diagnostic des portefeuilles au regard de la stratégie RSE/ESG retenue par le client pour identifier les écarts entre le niveau actuel et la cible.
Nous échangeons avec lui sur ce diagnostic, simulons les mouvements que nous serions amenés à faire pour atteindre la cible et calculons tous les impacts pour son portefeuille, notamment les impacts comptables, règlementaires ainsi que sur sa richesse actuarielle. Ces simulations intègrent toutes les dimensions de la gestion de mandats assurantiels.

La gestion assurantielle est différente d’une gestion classique. Elle est plus complexe et exige une expertise spécifique, tant les paramètres à intégrer par le gérant sont nombreux, pour satisfaire aux multiples objectifs du client. La réalisation de ses engagements en matière de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique est l’un d’entre eux.

Gaëlle Malléjac

La réglementation va croissant en matière d’ESG. Quels dispositifs s’imposent aux mutuelles et aux assureurs ?

Joséphine Chevallier
Le monde de la finance – et particulièrement de la finance durable fait face à un tsunami réglementaire. Rien que le Green deal – le plan finance durable de l’Union européenne – entraîne la création ou la modification de plus de 70 textes législatifs, dont un certain nombre sont assortis d’obligations pour tous les investisseurs.

Notre rôle en tant qu’asset manager est d’être un facilitateur : d’abord pour décrypter la réglementation, et puis pour accompagner nos clients dans sa mise en œuvre.

Concrètement, pour les mutuelles ou les assureurs il y a deux réglementations importantes à court terme : SFDR et l’article 29.
Concrètement, pour les mutuelles ou les assureurs il y a deux réglementations importantes à court terme : SFDR et l’article 29.

  • SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation – plus connue sous le terme de « Règlement Disclosure ») introduit de nouvelles obligations en matière de transparence pour les acteurs financiers. Ils doivent notamment concevoir et publier leur politique de durabilité ; c’est une obligation depuis mars 2021. A compter de janvier 2023, ils devront reporter sur un certain nombre d’indicateurs ou à défaut, expliquer pourquoi ils ne sont pas en mesure de le faire.
  • L’autre grande réglementation est induite par l’article 29 de la loi relative à l’énergie et au Climat qui modifie les obligations de l’article 173 de la loi de transition énergétique. Depuis mars 2021, nos clients sont soumis à l’obligation de publier une politique de durabilité mais avec une attention particulière sur les aspects Climat et Biodiversité. Ce texte durcit leurs obligations à partir de juin 2022. Les investisseurs disposant de plus de 500 M€ d’actifs devront rendre public leur politique d’engagement et l’alignement de leurs investissements avec les Accords de Paris.

Peut-on avoir de l’impact avec de la gestion obligataire ?

Gaëlle Mallejac
L’impact implique l’idée « d’intentionnalité » : des objectifs poursuivis complémentaires de la performance financière, un apport effectif à la cause environnementale par exemple qui n’aurait pas été obtenu sans financement et une capacité à mesurer l’impact effectif.   
Cela se traduit par des stratégies de nature différente.  
Un investisseur peut faire le choix de fonds à impact mais également investir dans des obligations durables ou bien d’intégrer des critères d’impact tangibles (objectifs de décarbonation par exemple dans sa gestion sous mandat, en déclinaison de sa politique ESG).

Pour un gérant d’actifs comme Ostrum AM, l’impact passe aussi par l’engagement, c’est-à-dire un dialogue exigeant avec les entreprises dans lesquelles nous sommes investis pour améliorer leurs pratiques globales, tout en prenant en considération les impacts sociaux éventuels qui accompagnent la transition de ces entreprises ou de leur secteur d’activité.

Gaëlle Malléjac

Le bond en avant de la région Île-de-France vers un scénario 2°C

À titre d'exemple, nous avons investi dans les obligations vertes de la Société du Grand Paris qui finance le Grand Paris Express, il contribue à la modernisation du réseau de transport parisien existant. C'est le plus grand projet d'infrastructure d'Europe : 200 km de voies ferrées dont 90 % en souterrain, 2 millions d’usagers par jour, 68 nouvelles gares et 6 centres d'exploitation. Un tel projet contribue de manière significative à l'effort de transition énergétique dans la mesure où il facilite et encourage les usagers de la région parisienne à passer d’un mode de transport individuel à base d'énergies fossiles (voitures, principalement) aux transports publics électriques, à zéro émission en phase d'utilisation. Une telle transition est sur le point de réduire de manière significative les émissions publiques de GES des transports lesquels représentent l'une des sources les plus intenses d’émission avec les bâtiments. Il s’agit donc de l'un des moteurs les plus puissants pour aider toute une région à atteindre le scénario 2°C des accords de Paris visé par la France.

 

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Achevé de rédiger le 11 février 2022.