Chaque mois, nous partageons les conclusions du comité d’investissement stratégique mensuel qui résume les vues d'Ostrum sur l’économie, la stratégie et les marchés. 

La lettre du CIO

  • Un marché schizophrène

Les banques centrales sont tiraillées entre une croissance qui montre des signes d’essoufflement et une inflation qui ne cesse de surprendre à la hausse. En conséquence la trajectoire future de la politique monétaire est devenue beaucoup plus difficile à lire. Les décisions respectives de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, deux surprises mais en sens inverse, sont symptomatiques de cette incertitude grandissante. Le manque de visibilité a créé une forte volatilité sur les marchés de taux : réévaluation des attentes de hausse des taux directeurs dans les pays développés, des trajectoires d’inflation et, in fine, volatilité implicite qui revient sur des niveaux que nous n’avions pas vu depuis mars l’année dernière et la crise du Covid.
A l’inverse les marchés actions, portés par une saison des résultats positive, sont restés très calme et ont continué à progresser sans à-coups. En totale opposition donc avec l’instabilité de la courbe des taux. 
Cette schizophrénie est inhabituelle et elle n’a jamais été pérenne. Malheureusement, l’histoire montre qu’en général le stress sur les marchés de taux finit par contaminer les marchés actions. Ceci d’autant plus que les anticipations de la courbe montrent que le cycle de hausses des taux restera très limité mais sera suffisant pour que l’inflation, tout au moins aux Etats-Unis et en Zone Euro, revienne sagement vers l’objectif des banques centrales. Tout ceci, malgré donc une normalisation de l’économie, avec des taux réels qui restent très largement négatifs comme au pire moment de la crise. C’est un scénario certes possible mais qui tient beaucoup du vœu pieux.
Le risque est donc élevé de voir la courbe se recaller sur un scénario différent. La volatilité ne va pas s’estomper. Et cela devrait créer des opportunités d’investissement.

  • Ibrahima Kobar

    Ibrahima Kobar

    Directeur des gestions

Vues économiques

Trois thématiques pour les marchés 

  • money

    Politique monétaire

    Mi-décembre, trois banques centrales majeures devront prendre des décisions importantes. La Fed sur le rythme de son tapering, la BCE avec le programme qui remplacera le PEPP et la Banque d’Angleterre avec une hausse des taux. La visibilité sur les banques centrales a beaucoup diminué, elle constitue une source majeure de stress pour la courbe.

  • process

    Inflation

    Une fois de plus les surprises d’inflation restent élevées dans le monde. Le débat s’est maintenant déplacé sur le marché de l’emploi et la boucle prix-salaire. Le niveau actuel des prix est néanmoins suffisant pour créer beaucoup d’incertitude sur les taux et des distorsions de marges importantes pour les entreprises.

  • market-view

    Croissance

    Les goulets d’étranglement restent un problème important qui ne devrait pas disparaitre rapidement. Les tensions sur le marché de l’emploi créent également des contraintes sur l’offre. Résultat, les surprises économiques sont négatives et les prévisionnistes révisent à la baisse leurs attentes.

Principaux repères macroéconomiques

  • L'activité économique est solide au sein des pays développés. Les indices pour l'ensemble de l'économie des enquêtes Markit donnent toujours de bons signaux. En zone Euro, les données du troisième trimestre ont accentué la dynamique de rattrapage en zone Euro. Cela s'est traduit par une hausse des perspectives de croissance sur 2021 et 2022. 

L'incertitude immédiate est le risque sanitaire observé en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique ou encore en Autriche avec une hausse très nette du taux d'incidence. Des possibilités de reconfinement sont discutées et deviennent effectives comme en Autriche.

  • Aux USA, après la forte reprise du printemps liée aux primes versées aux ménages par l'administration Biden, la situation s'est stabilisée au cours de l'été. Les signaux sont à la hausse sur le dernier trimestre comme en témoigne la hausse des ventes de détail. Cette amélioration tient aussi à la réduction du risque sanitaire qui s'était sensiblement accru durant l'été.
  • Les interrogations viennent de Chine où les risques sur la croissance sont plus élevés après les inquiétudes sur le marché immobilier et par conséquent sur les capacités des gouvernements locaux, déjà très endettés, à soutenir la croissance (il y a des liens très étroits entre gouvernements locaux et immobilier). La croissance devrait être plus faible en tendance. On perçoit déjà que la situation change via la contribution de la Chine aux exportations allemandes. Très forte au premier semestre, elle est désormais nulle. 
  • La raison essentielle des pénuries, des embouteillages dans les ports et de la hausse du prix des matières premières est la relance américaine et la demande exceptionnelle observée sur les biens alors que les entreprises dans le monde entier n'avaient pas de stocks. La demande est arrivée trop vite et trop fortement créant des tensions sur le recrutement et sur les prix. 
  • Le prix du pétrole reste élevé par rapport à 2020 mais finalement pas tant que cela vis à vis de 2019. Le point préoccupant ici est l'inquiétude que cela a provoqué sur les comportements et sur les anticipations de marché. Il y a une grande part de rattrapage dans les évolutions du prix de l'énergie. Néanmoins, la variation sur un an pénalise grandement le pouvoir d'achat. Cela agit comme mode de régulation de la demande.
     

Le point le plus ennuyeux dans le domaine des prix est celui des matières premières agricoles.

  • Les prix sont à des niveaux historiquement élevés notamment les céréales et l'huile. Cela pénalise un peu les consommateurs dans les pays développés mais ce sont surtout les consommateurs des pays émergents qui sont fortement sanctionnés car le poids de l'alimentaire dans les indices de prix est très élevé (40% en moyenne) Par le passé, à de tels niveaux de prix, des émeutes dites de la faim avaient été observées. La hausse de l'instabilité politique que l'on constate dans certains pays émergents n'est pas indépendante de cela.
  • Dans les pays développés le taux d'inflation s'est encore accéléré en octobre. L'énergie explique entre un tiers et un peu plus de la moitié de l'inflation. C'est considérable et n'incite pas les banques centrales à intervenir. 
  • Le point à souligner est que la zone Euro et les US n'ont pas le même profil de taux d'inflation sous-jacent. Limité en zone Euro, ce taux est très fort outre-Atlantique. Cela traduit les effets de la relance avec un excès de demande et aussi l'impact de la hausse du prix de l'immobilier sur la composante "Loyer" de l'indice des prix. C'est cette dernière dimension qui sera la plus persistante.

Politique Budgétaire

Les politiques budgétaires restent ciblées

  • « Build back better » en suspens

           Après avoir fait ratifier son plan sur les infrastructures de 1200 milliards $, Joe Biden, dont la côte de popularité diminue, espère désormais trouver un accord pour le volet social et écologique de son programme « Build Back Better » (1750 milliards $).  Cependant, le président américain devra continuer à faire face à des luttes politiques. Les républicains sont réticents à voter en faveur d’un relèvement du plafond de la dette, afin de ne pas cautionner le plan de Biden. J. Yellen estime que l’Etat a suffisamment de liquidités pour fonctionner jusqu’au 15 décembre. Biden devra également convaincre les récalcitrants dans son propre camp.

  • UE : Mesures supplémentaires pour 2022 

           La suspension des règles concernant le pacte budgétaire a été prolongée jusqu’en 2022 pour permettre aux pays de prendre des mesures pour retrouver une croissance durable après le choc lié à la crise du Covid-19. La forte croissance et la réduction graduelle des mesures exceptionnelles pour faire face à la crise va se traduire par une baisse des déficits budgétaires qui resteront supérieurs à 3% en 2022. Certains gouvernements, comme l’Italie, ont annoncé des mesures supplémentaires de soutien à l’activité pour 2022. Au Portugal, l’incertitude politique risque de reporter l’adoption de réformes et les hausses d’investissement prévues dans le cadre du plan de relance et de résilience. L’Union Européenne pourrait alors retarder le versement des fonds. 

  • Investissements verts publics 

           Compte tenu de la nécessité d’augmenter significativement les investissements pour la transition énergétique, des discussions sont en cours sur la possibilité de leur réserver un traitement spécial dans le cadre de l’amélioration du pacte de stabilité.

Politique monétaire

Qui prendra la tête de la Fed ?

  • LA BCE ferme la porte aux hausses de taux en 2002

Lors de sa dernière réunion, la BCE n’a pas changé l’orientation de sa politique monétaire. Christine Lagarde n’a pas dévoilé de détails sur le nouveau programme qui remplacera le PEPP, maintenant son rendez-vous du 16 décembre. La BCE a jugé « contre-productif »  toutes hausses de taux en 2022 en zone euro. Le resserrement de la politique monétaire pour freiner l’inflation (4,1% en octobre) pourrait freiner la reprise économique de la zone. 

  • Le « tapering » sans surprise

Sans surprise, la Fed a annoncé le début de son « Tapering ». Le montant de ses achats d’actifs financiers est dorénavant réduit de 15 milliards $ chaque mois jusqu’en juin 2022. La Fed a réitéré qu’il n’y avait pas d’urgence à remonter les Fed funds. L’interrogation principale portera sur la présidence à la tête de  la Fed. Joe Biden avait indiqué qu’il donnerait sa décision avant Thanksgiving. Le choix est particulièrement délicat à cause des luttes politiques internes, notamment sur le plan des réformes écologiques et sociales qui divisent au sein même des démocrates. Le Sénat, à majorité républicaine, devra confirmer ou pas la nomination présidentielle. 

  • BOE et BOC créent la surprise

La banque centrale d’Angleterre (BOE) et celle du Canada (BOC) ont crée la surprise ce mois-ci. La BOE a gardé ses taux inchangés allant à l’encontre de ses propres propos, reflétant probablement son inquiétude sur le Brexit. La BOC à l’opposé a arrêté subitement son QE. 

Vues stratégie

L'inflation comme thème d'investissement central

Vues de marché synthétiques : la  « forward guidance » en questions

La thématique de l’inflation reste incontournable sur les marchés financiers. Cependant, les principales Banques Centrales (Fed, BCE, RBA…) semblent peu enclines à agir rapidement malgré la pression des marchés. La volte-face de la BoE, optant finalement pour le statu quo en novembre, a engendré un épisode malvenu de volatilité sur les taux. Cette incertitude fait tâche d’huile sur les swap spreads de crédit ou certains souverains. A l’inverse, la volatilité des actions (VIX à 16%) reste contenue et les indices boursiers pointent à la hausse en novembre. La question de l’impact de l’inflation sur les marges va se poser mais les publications sont restées solides au T3.

Outre la hausse des prix, la crise migratoire, énergétique voire le rebond épidémique à l’Est de l’Europe constituent des risques.  

Recommandations d’allocation : écrêter les positions risquées
La hausse des rendements souverains à long terme devrait reprendre, notamment aux Etats-Unis. Le biais accommodant entretient la tendance d’élargissement des points morts d’inflation. La prochaine décision de la BCE et les échéances électorales au Portugal et en Italie dès janvier pourraient raviver les pressions à l’écartement des spreads. Sur les actions, le maintien des marges dans le contexte inflationniste va devenir la question essentielle. Quant au crédit, les valorisations restent un frein à la performance sur l’IG comme sur le high yield. Les spreads sur la dette émergente demeurent stables malgré la volatilité du T-note.

Classes d’actifs

Taux G4

  1.     Le FOMC a annoncé la réduction du QE dès novembre à hauteur de 15 Mrds $ par mois. Le rythme attendu des hausses de taux en 2022 est source de volatilité. Le rendement du T-note devrait monter avec davantage de volatilité.
  2.     En zone euro, l’inflation surprend à la hausse mais la BCE tempère les anticipations de resserrement. La réunion de décembre génère une réduction des risques, qui pèse sur le 10 ans.
  3.     La BoE a maintenu un statu quo de façon incompréhensible en novembre malgré l’inflation. Une hausse en décembre est probable, le Gilt devrait s’ajuster. Pas de changement au Japon. 

Autres taux souverains

  1.     La BCE a écrêté à la marge ses interventions mais les spreads italiens sont sous pression avant la réunion de décembre. La réduction des achats après mars justifie de limiter les expositions aux périphériques.
  2.     Le risque politique existe avec les élections au Portugal en janvier, la fin du mandat du Président Mattarella en Italie puis les Présidentielles françaises. Ces éléments appellent à la prudence sur ces marchés.
  3.     Le discours de la RBA est remis en cause alors que la BoC, la Norges Bank ou la RBNZ ont entamé leur virage restrictif face à l’inflation. Les taux des pays développés devraient augmenter. 

Inflation

  1.     Les surprises haussières de l’inflation (6,2 % en octobre) s’accumulent aux États-Unis, ce qui entretient la demande de protection et l’élargissement des points morts. 
  2.     En zone euro, l’inflation dépasse 4% en octobre. La persistance des tensions, la crise énergétique et la chute de l’euro plaident pour une poursuite de la hausse des anticipations d’inflation.
  3.     Au Royaume-Uni, les goulets d’étrangement, les salaires et l’énergie poussent les points morts au plus haut depuis 2008. Cette tendance devrait perdurer.  

Crédit

  1.     Les spreads IG continuent de se resserrer contre swap à 6 pb et s’écarter à 91 pb contre Bund. Les valorisations restent peu attrayantes et le sentiment s’est dégradé avec l’élargissement des swap spreads.
  2.     Les émissions se révèlent un peu plus difficiles à absorber, avec une légère amélioration des primes. Cela étant, la BCE restera très présente, malgré la recalibration du QE attendue pour décembre.
  3.     Le sentiment s’améliore sur le high yield, grâce à l’élargissement récent des spreads. Néanmoins, le primaire (historique en 2021) est parfois proche de l’indigestion. Le segment BB est à privilégier.

Actions

  1.     La croissance économique attendue pour l’année prochaine , avec un levier opérationnel qui reste important, pourrait générer une progression des BpA de l’ordre de 10 %.
  2.     Les pressions inflationnistes jouent sur les coûts et pourraient éroder  ces mêmes bénéfices. L’impact sectoriel est très hétérogène. 
  3.     Sur la fin de l’année, la saison des résultats étant passée, il convient d’être prudent, les nouvelles macro vont dominer, le momentum pourrait alors se tasser.

Pays émergents

  1.     Les spreads émergents en USD se maintiennent dans une fourchette cible abaissée ce mois à 340-365pb. Nous restons neutres sur le spread de  l’EMBI. 
  2.     Si le risque immobilier chinois pèse sur le sentiment, la décote du high yield émergent est importante par rapport à d’autres actifs comparables (high yield américain). 
  3.     Les flux vers les fonds émergents se sont stabilisés, le primaire va se réduire à partir de la mi-novembre. 

Perspectives Ostrum octobre 2021

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  • Ibrahima Kobar

    Ibrahima Kobar

    Directeur des gestions

  • Stéphane Déo

    Stéphane Déo

    Directeur stratégie marchés